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Les conteneurs perdus en mer

Publié le 18/01/2021
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Dans les années 1950, l’apparition du conteneur va totalement bouleverser le monde du transport maritime. Associant un espace de stockage considérable et une facilité de manipulation, le conteneur va devenir une norme et une unité de mesure dans le fret maritime. La généralisation de son utilisation va alors croître avec l’augmentation des échanges internationaux.

Malheureusement, ce grand développement signifie également la multiplication des conteneurs perdus en mer. Dans cet article, nous allons observer la situation actuelle pour ensuite constater quelles sont les lois mises en place dans ce secteur et finalement étudier les solutions possibles à cette problématique.

1.   Le constat actuel

1.1 Un bilan mitigé

Faute de relevés officiels, il est très difficile d’établir un bilan annuel des conteneurs perdus en mer.
Chaque organisme se livre à son propre décompte selon sa méthodologie et, parfois, son intérêt.

Selon le rapport du World Shipping Council (WSC) qui regroupe 20 armateurs représentant 90% de la capacité mondiale de navires de transport, il y a eu en moyenne 1 382 conteneurs perdus en mer chaque année durant ces douze dernières années.

Résumé des conteneurs perdus en mer par année

Le pic de 2013 est dû en grande partie au naufrage du porte-conteneurs MOL Comfort qui a entraîné la perte de 4 293 conteneurs.

En France, le Centre de documentation de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) estime que 10 000 à 15 000 conteneurs vides et pleins partent à l’eau chaque année.

Ces estimations sont également revues à la hausse par l’association de défense de l’environnement Robin des Bois qui maintient depuis 2007 qu’il s’agit plutôt de plusieurs dizaines de milliers à 100 000 conteneurs perdus chaque année. Leur étude s’appuie sur les chiffres du commerce mondial par conteneurs, en prenant en compte les pertes suite aux naufrages et aux incendies mais aussi les pertes de conteneurs vides qui échappent aux statistiques des assurances.

Nous pouvons donc constater que les estimations entre les différentes institutions (privées, publiques ou associatives) varient énormément. Ceci prouve la difficulté de la tâche et peut-être des divergences d’opinion.

Toutefois, le nombre de conteneurs qui tombent à l’eau chaque année (que ce soit 1 000 ou 100 000) reste relativement faible par rapport au volume total annuel. En effet, aujourd’hui se sont près de 200 millions de conteneurs pleins qui transitent chaque année dans le monde. Donc, en prenant le scénario le plus pessimiste, nous obtenons un pourcentage de 0,05% de pertes.

Perte de conteneurs en mer

1.2 Causes et dangers

Cependant, comment un conteneur arrive dans l’océan ? En voici les principales causes :

  • La plus courante est due aux mauvaises conditions météorologiques. Les puissantes tempêtes peuvent provoquer du roulis et du tangage trop importants, qui font céder les câbles d’arrimage. Ces conditions peuvent aussi entraîner le naufrage du navire et donc une perte encore plus importante de conteneurs en mer.
  • La seconde raison est liée à un mauvais arrimage des conteneurs. L’empressement de l’équipage dans certaines situations peut amener un manque de vérification et donc un risque plus élevé d’erreurs humaines.
  • L’état du navire. Si l’état des câbles d’arrimage ou des points de fixation en pontée sont vétustes, il existe un risque de casse plus important.
  • Pendant quelques années, des twist-lock automatiques imparfaits ont été utilisés. Cette pièce est responsable de la fixation entre deux conteneurs par leurs coins. Si l’appareil était parfaitement opérationnel à terre, il n’en a pas été de même en mer.
  • Une dernière raison, plus rare, est le rejet volontaire de cargaisons par-dessus bord pour sauver un navire. Le capitaine peut prendre la décision de jeter des cargaisons à la mer s’il veut réduire le poids sur bâbord ou tribord pour redresser le navire.

Comme nous l’avons vu précédemment, la part de conteneurs perdus en mer est relativement faible par rapport au volume total. Cependant, un conteneur dérivant en mer peut avoir de dramatiques conséquences. Ces inquiétudes concernent deux grands principes :

  • La sécurité

Effectivement, la collision avec un bateau, un voilier de plaisance, de course, ou un navire de pêche ou chalut peut être terrible. Certains conteneurs flottent et d’autres s’alourdissent peu à peu par manque d’étanchéité et peuvent rester quelques jours ou quelques semaines entre deux eaux.
Ils agissent alors comme des épaves ou des micro-icebergs avant de couler. Ces derniers sont les plus dangereux.
On parle beaucoup de ces Objets Flottants Non Identifiés (OFNI) pendant le Vendée Globe car ils ralentissent les skippers, en les obligeant à dévier leur trajectoire, ou malheureusement les contraignent à abandonner la course suite à un accident.

  • L’environnement

La seconde inquiétude concerne la pollution marine. Ces boîtes ont des contenus très divers avec des marchandises pouvant être des produits chimiques très polluants. Ensuite, la boîte en elle-même peut aussi être une source de pollution (matériaux, revêtement, peinture).

De plus, ces conteneurs ou leur contenu peuvent atterrir sur les plages, polluant ainsi encore plus les écosystèmes. Ceci provoque également un risque pour les populations vivant près de ces rivages.

Avec les risques et les répercussions expliqués ci-dessus, nous pouvons alors penser qu’une législation a été établie pour contrer efficacement ce problème. C’est ce que nous allons aborder dans le prochain point.

2.   Les lacunes de la loi

2.1   La législation pour un conteneur aperçu en mer

Vis-à-vis de la loi, les armateurs n’ont pas l’obligation de déclarer la perte d’un conteneur. Ainsi, avec près de 200 millions de conteneurs transportés chaque année, il est quasiment impossible de savoir précisément combien en tombent à l’eau.

Ensuite, nous remarquons qu’il y a des incertitudes sur la qualification juridique du conteneur perdu en mer. En réalité, il n’a pas de statut juridique propre. On l’assimile donc à une « épave », telle que définie par l’article L5142-1 du code des transports. Il faut donc appliquer le régime des épaves maritimes pour répondre aux questions posées.

Ce régime impose à celui qui découvre l’épave une obligation de mise en sûreté de l’épave. Face à un conteneur, il est évident que cette opération est impossible sans moyens adaptés et est trop dangereuse pour être réalisée par un navigateur. Dans ce cas, la loi précise que l’épave ne doit pas être manipulée et doit être signalée le plus rapidement possible à l’administrateur des affaires maritimes ou locales.

Concrètement, il faudra contacter le Centre Régional Opérationnel de Surveillance et de Sauvetage (CROSS) de la zone de navigation. Ce dernier informera le préfet maritime qui prendra par la suite les mesures nécessaires pour mettre fin au danger constitué par le conteneur.

2.2   La législation en cas de collision

L’article L5131-1 du code des transports prévoit que les dispositions du régime de l’abordage maritime s’appliquent à l’abordage survenu entre navires et que « tout engin flottant non amarré à poste fixe » sera assimilé à un navire.

Mais les « épaves » sont exclues de ce régime. Ces dernières, et donc les conteneurs à la mer, sont soumises au droit commun de la responsabilité civile : responsabilité fondée sur la faute ou sur le fait des choses qu’on a sous sa garde.

La difficulté en pleine mer sera néanmoins de relever le numéro du conteneur afin de pouvoir tenter d’identifier le navire qui l’a perdu (sans savoir quand et où), pour rechercher la responsabilité de l’armateur qui en avait la garde. Cela est quasiment impossible.

Concrètement, c’est donc l’assureur corps du navire qui prendra en charge la réparation du dommage causé par le conteneur en mer.

Conteneurs en mer

Malgré les difficultés judiciaires rencontrées, des solutions apparaissent et sont proposées aux armateurs ou aux Etats. Celles-ci ont pour principal but de faciliter la recherche de ces conteneurs et ainsi limiter les risques encourus en mer. Ceci est le sujet de la prochaine et dernière partie.

3.   De potentielles solutions

3.1   Des propositions techniques

Fin 2008, le projet européen « LOST CONT » a permis d’analyser les manières de dériver et les comportements d’un conteneur en pleine mer. Grâce à un conteneur à la dérive en mer relié à une balise ARGOS, ils ont pu récolter les données nécessaires à l’étude (voir lien du rapport dans les Sources). Ce projet a permis de mettre en évidence la multiplicité des facteurs (voir partie 1), mais aussi de lister les grands axes d’amélioration ainsi que d’éventuelles solutions pour chacun :

  • Amélioration de la gestion et du traitement des informations concernant les conteneurs et leur contenu
    • Projet d’EDI pour faciliter l’accès aux données par tous les acteurs
    • Etiquetage RFID pour un stockage des informations simple, rapide et efficace
  • Amélioration des systèmes de repérage et de marquage des conteneurs tombés à la mer
    • Projets de marquage par le système ARGOS ou AIS
    • Projet de marquage par ballon
  • Amélioration des moyens et techniques de récupération des conteneurs en mer
    • Projet de développement des infrastructures dédiées : Bâtiments de Soutien et
      d’Assistance Hauturiers (BSAH)

3.2   De nouveaux enjeux ?

Comme expliqué auparavant, nous pourrions voir l’émergence du conteneur connecté.

Cependant, cela aurait un coût considérable. En effet, le transport maritime par conteneur représente 90% des volumes transportés dans le monde. Si nous prenons l’exemple de l’étiquetage RFID, l’entreprise ZigBee propose un système à 4€. Or pour rappel, il y a près de 200 millions de conteneurs qui transitent dans le monde chaque année. Cela reviendrait donc à 800 millions d’euros juste pour équiper les conteneurs actifs d’une étiquette RFID.

Il est donc dans l’obligation de trouver une solution économique à l’échelle de ce secteur.

Aujourd’hui, les armateurs et les assureurs n’estiment pas les pertes suffisamment importantes. Les enjeux financiers dans ce domaine étant colossaux, l’investissement dans ce genre de solutions n’est pas leur priorité.

Toutefois, l’évolution technologique du monde pourrait alors permettre cet investissement voire l’obliger. Effectivement, les solutions proposées pourraient devenir des usages inévitables grâce à une réglementation de sécurité internationale. Cela ne serait pas insensé dans un monde ultra connecté. Ainsi, cela pourrait devenir une exigence environnementale, sociétale et économique.

Les enjeux de cette problématique sont alors en accord avec les activités du cabinet HeadMind Partners. Effectivement, les solutions envisagées sont exactement le type de ressources proposées par notre cabinet. Cela va de la mise en place de nouvelles solutions techniques avancées à la reorganisation des processus d’échange de l’information, tout en passant par la gestion et l’optimisation de la donnée. C’est pourquoi HeadMind Partners est parfaitement en mesure d’accompagner les clients du secteur de la Logistique et de répondre efficacement à leurs attentes.

Article écrit par Maxime BINEAU, Associate Consultant, membre de la BCOM Logistique
chez HeadMind Partners Business Consulting

SOURCES

« Enquête sur le scandale des conteneurs perdus en mer qui souillent les côtes françaises ». Franceinfo. 2019. [consulté le 09/12/20]. Disponible à l’adresse : https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/video-enquete-sur-le-scandale-des-conteneurs-perdus-en-mer-qui-souillent-les-cotes-francaises_3554261.html

« WSC : 1 382 conteneurs perdus en mer chaque année ». Le journal de la Marine Marchande. 2020. [consulté le 09/12/20]. Disponible à l’adresse : https://www.journalmarinemarchande.eu/filinfo/wsc-1-382-conteneurs-perdus-en-mer-chaque-annee

« La perte des conteneurs en mer : quelle appropriation ? Quelles responsabilités en cas de dommage ? ». Actualité maritime. 2013. [consulté le 09/12/20]. Disponible à l’adresse : https://actumaritime.com/2013/11/29/la-perte-des-conteneurs-en-mer-quelle-appropriation-quelles-responsabilites-en-cas-de-dommage/

« Les conteneurs perdus en mer, véritables dangers pour l’homme et l’environnement ». RFI. 2019. [consulté le 10/12/20]. Disponible à l’adresse : https://www.rfi.fr/fr/science/20190728-conteneurs-perdus-mer-dangerosite-homme-environnement

« À la recherche du conteneur perdu ». France Culture. 2019. [consulté le 10/12/20]. Disponible à l’adresse : https://www.franceculture.fr/societe/a-la-recherche-du-conteneur-perdu

Rapport du projet européen « LOST CONT ». 2008. [consulté le 09/12/20]. Disponible à l’adresse suivante : https://wwz.cedre.fr/content/download/10313/file/Rapport%20final%20LOSTCONT-2008.pdf

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